LES LOUPS ET LES AGNEAUX
Après avoir subi une grave atteinte à sa souveraineté en voyant les GI'S cueillir Ben Laden sur son sol, le Pakistan qui n’en est plus à sa première humiliation a manifesté un sursaut d’orgueil aussi tardif, peu convainquant, déplacé que pathétique…
Il s’est insurgé par la voix de son ministre des affaires étrangères que les GI’s aient intervenu sur le sol de son pays sans en référer à ses autorités… La réponse des Américains fut un autre camouflet puisque M. Panetta, Chef de la CIA justifie l’action unilatérale par le souci de discrétion, mettant en doute la confiance placée dans les « services » du pays hôte de Ben Laden et les accusant ainsi sans équivoque de «complicité »…
Mais le Pakistan n’avait pas à rougir excessivement d’avoir subi cette atteinte à sa souveraineté et les Américains n’avaient pas à trop se justifier…
La pratique est si usuelle que les soucis de respect des droits des Etats à l’inviolabilité de leurs frontières ne relèvent plus que de la rhétorique stérile de l'organisation internationale que les « puissants » qualifient de « machin » et qu’ils musellent du véto quand elle ose des velléités d’indépendance ou dont ils se f… royalement des décisions quand elles s’inscrivent à contre-courant de leur volonté, ou qu'ils instrumentalisent allègrement quand ils veulent imposer leur loi…
Ci-dessous, pour mémoire, une rétrospective très incomplète de ces actions de piraterie internationale accomplies sans état d’âmes ni souci du droit par les gendarmes du monde, à leur profit ou au profit de leurs affidés…
- 22 octobre 1956 – Un DC.3 de la Compagnie Air Maroc est intercepté en plein ciel par la chasse française… Il transportait les dirigeants du FLN… « Il nous faut les cinq salopards. » « Vous avez cinq «salopards» à bord. Il nous les faut. »… c’est en ces termes que sont interpellés les membres de l’équipage… Les historiques du FLN sont capturés et emprisonnés après cette interception qui défie toutes les règles du droit…
- 8 février 1958 - Prenant prétexte de l’aide apportée par la Tunisie à l’Algérie en guerre, un véritable « guernica » est exécuté à Sakiet Sidi Youcef par 23 avions français. Les chasseurs-bombardiers mitraillent en rase mottes un marché local où se pressent des paysans, détruisant deux camions de la Croix-Rouge et l'école du village remplie d'enfants faisant un bilan global de 75 morts et 148 blessés, dont une douzaine d'élèves de l’école primaire. Les pirates ne s’excusent même pas pour cette « bavure » programmée…
- 29 octobre 1965, devant la brasserie Lipp à Paris, Ben Barka est kidnappé par des barbouzes marocains et français. Son corps sera dissous dans la chaux et malgré les changements de régimes, seules des bribes de cette opération secrète seront distillées sans que l’on en sache toute la vérité, à ce jour.
- Nuit du 3 au 4 juillet 1976 : Israël lance l’opération Thunderbolt sur l’Aéroport International d’Antebbe en Ouganda distant de 8000 km pour libérer 140 otages n’y concédant qu’un mort : le colonel Jonathan Netanyahou, frère de Benyamin. « L’action d’éclat » est saluée par l’Occident qui y voit une victoire du « monde civilisé » sur la « barbarie » sans se questionner ni sur les motivations des preneurs d’otages ni sur le droit bafoué des pays survolés sans autorisation par les 4 hercules de l’armée israélienne ni sur l’atteinte à la souveraineté de l’Ouganda dont Idi Amin Dada formé en Israël était devenu infréquentable pour cause de ses nouvelles fréquentations…
- Mai 1978. Les rebelles katangais prennent en otages des européens à Kolwezi au Zaïre. La légion étrangère française et les Parachutistes belges s’envolent et font leur cinéma dans une terre sur laquelle ils n’ont aucun droit, libérant les otages au prix du massacre de 700 Africains et de 170 Européens… L’opération est bien sûr bénie par tout l’Occident si scrupuleux du respect du droit international…
- 24 novembre 1985 : Un vol EgyptAir est détourné sur Malte. les forces égyptiennes interviennent et font un fiasco aussi mémorable que tragique : l'avion prend feu et 60 des 98 personnes qui se trouvaient à bord y trouveront la mort. La communauté internationale fustige le manque de réussite des soldats de Moubarek et non l’atteinte à la souveraineté de Malte…
- 3 Janvier 1990 : Manuel Noriega qui voulait faire le Omar Torrijos en éprouvant les Etats-Unis sur la question du Canal subit l’opération « Just Cause » déclenchée par Georges Bush père. Même réfugié chez le nonce apostolique, il est embarqué manu militari, jugé à Miami et condamné à 40 ans de prison…Son arrestation entraina l’exode de 30 000 personnes sans que la bonne conscience occidentale de n’en émeuve outre-mesure…
- 15 janvier 1991 - Abou Iyad est assassiné à Carthage, dans la banlieue de Tunis, avec Abou Mohammed et Aboul Hol par un commando venu de la mer… On imputera par la suite l’assassinat à Hamza Abou Zeïd, agent double, à la fois du groupe d’Abou Nidal et du Mossad israélien.
- 15 février 1999 – Abdullah Ogalan leader kurde, traqué se refugie au Kenya, une opération conjointe des services secrets turcs, américains et israéliens permet de le rattraper et de le transférer de manière rocambolesque vers la Turquie où il sera condamné à mort le 29 juin 1999, peine commuée en prison à vie en 2002 lorsque la Turquie abolit la peine de mort dans la perspective d'adhésion à l'Union Européenne.
L’Occident si prompt à défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est mis devant le fait accompli de cet acte de piraterie internationale. Ses réactions ne dépassent pas la condamnation pour la forme…
Pour en revenir à l’affaire Ben Laden et au droit pakistanais bafoué, il faut peut-être penser que les « amis-requins » (on dit que c’est ainsi que les surnomment les Canadiens) avaient d’autres raisons de ne pas trop ébruiter leur action…
D’aucuns affirment que le chef Islamiste avait été neutralisé depuis belle lurette et que le secret devait être gardé pour les besoins d’autres causes…
Les américains n’auraient pas menti en affirmant avoir eu peur de l’indiscrétion des services pakistanais… C’est que ces gorges profondes auraient eu l’idée d’éventer le secret de sa mort et non … d’informer son cadavre qu’on allait l’exhumer pour le jeter à la mer !
Djébahia, 4 mai 2011
