Nous sommes le 16 avril...
Chez nous, c’est la journée du savoir… youm el Ilm… que toutes nos écoles, sous l’impulsion de nos pieux enseignants, célébreront à coups de chants religieux car, comme tout le monde le sait, nous commémorons en cette date la mort de Abdelhamid Ben Badis, notre homme de sciences le plus en vue… de sciences religieuses s’entend… car nous ne connaissons aucun brevet que cet homme aurait déposé pour faire avancer les techniques permettant à l’homme de rendre moins pénible sa traversée de la vie ou de connaître les secrets de l’Univers…
Il fut incontestablement un éveilleur de consciences et un défenseur de la musulmanité arabophonique de l’Algérie et si c’est cela « la science », alors on ne dit plus rien et on se contente de se pâmer d’aise devant nos chérubins chantant « chaabou el djaza’iri mouslimoun » pour ne plus douter de notre foi…
La journée étant consacrée, on ne se pose plus de question sur le rapport qui peut bien exister entre spiritualité et sciences alors qu’on sait depuis Copernic jusqu’aux roqias de Bellahmar que les religions, toutes les religions ont toujours rejeté la science et ses explications des phénomènes naturels au profit des confortables interprétations liées à la seule volonté de Dieu…
Mais le terme « Ilm » qui veut dire sciences et techniques possède aussi le sens de « savoir » et quand on émet quelques réserves sur le choix de la date de la mort d’un exégète comme journée consacrée aux sciences on s’entend répliquer avec un courroux assassin que la matrice des sciences c’est le Coran et que tout ce que l’humain a découvert y est déjà mentionné… et on clôt le débat sans prendre conscience que Ben Badis n’est qu’un simple mortel qui ne symbolise pas le Coran et sa compréhension autant que Arkoun ou Bennabi, Chikh Abderrahmane El Djilali ou Ahmed Aroua…
On comprend en vérité qu’ayant besoin d’une date pour célébrer le savoir en toute démagogie, nous avons fait, comme toujours, le mauvais choix et que les politiciens qui ont opté pour cette date n’avaient en tête que les dividendes qu’ils tireraient d’une autre concession à la bigoterie comme cela s’est toujours fait en ce pays où les lignes de démarcation sont si floues entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel…
Ailleurs, le 16 avril fut aussi catastrophique que chez nous mais au sens propre et non figuré… Outre les séismes que connurent le Japon et l’Equateur en 2016, cette date connut en 1947 un Bhopal doublé d’un Pearl Harbor en puissance au Texas où le Grandcamp, navire battant pavillon français et dont le nom sonne comme une insulte, se désintégra après l’explosion de 2080 tonnes de nitrate d’ammonium qu’il transportait, ce qui engendra des incendies en série faisant des milliers de morts et blessés… le bruit de l’explosion fut entendu, dit-on, à 280 km…
Autre catastrophe survenue ce jour mais deux ans plus tôt, le naufrage du Goya, bateau allemand coulé par un sous-marin soviétique en mer Baltique, faisant 6500 morts, presque tous des réfugiés qui fuyaient la guerre à quelques jours de la paix…
On ne sait pas d’où le Goya tirait son nom mais si c’est de celui de peintre espagnol Francisco de Goya qui mourut lui aussi un 16 avril, en 1828, on doit reconnaître qu’il y’a des coïncidences qui ne s’expliquent pas…
On aurait pu citer encore, dans le lot des catastrophes que connut cette journée, le naufrage en 2014 du Sewol, ferry sud-coréen entraînant la mort de plus de 300 personnes.
Naufrage rimant avec fromage, je termine ma matinale par rappeler que c’est en ce jour de l’an 1921 que naquit le premier fromage fondu en portion « La Vache qui rit »
On ne dit pas si son inventeur figure dans un des musées de cire de Mme Tussauds morte le 16 avril 1850… On sait par contre que Ben Badis n’y a pas sa place et c’est tant mieux car si on devait le représenter dans les détails de la statue qui lui fut dédiée pour quelques jours il y’a quelque temps à l’occasion de l’année arabe de Constantine, il ferait bien piètre figure devant les hôtes figés de ces musées…
16/4/2017
