MAI EST MALEFIQUE
Nous sommes le 3 mai et c’est demain que l’Algérie votera encore une fois sous le scepticisme des uns et l’assurance des autres, les appels insidieux à l’abstention des uns et les appels maladroits à la la participation des autres…
Mais on décèle chez les uns et chez les autres une grosse lassitude… Les uns savent que ce n’est pas l’abstention qui générera le renouveau salvateur, les autres savent que ce n’est pas le vote qui nous sortira de la déprime…
Tout le monde va jouer la comédie et comme il y’a toujours un lendemain, le vendredi 5 mai suivra le jeudi 4 et les prêches des imams reprendront comme si de rien ne fut, à nous culpabiliser pour nos turpitudes et à nous promettre les feux de la géhenne pour notre désinvolture face aux horaires des prières ou pour nous exhorter à préparer le Ramadhan, son Siyam et surtout son Qiyam…
Nos traditions font du mois de mai un mois maudit… Dans beaucoup de régions on ne contracte pas mariage en ce mois car on dit que le couple se désunira avant son retour et les paysannes refusent de mettre des œufs à couver parce qu’il est dit que les poussins qui en sortent doivent être égorgés et mangés avant la fin du cycle faute de quoi ce sont eux qui mangeront la tête de ceux qui les élèvent…
Et je me souviens, très petit, d’avoir découvert un chiot perdu que j’ai voulu m’attacher, chose que ma mère m’a défendue en me disant avec son air le plus sérieux : « Et qu’en sais-tu ? Peut être que sa chienne de mère l’a mis bas en mai ! »…
On parle même en cette période des « jours vides » (el ayyam el farghine) et on vous rirait au nez si on vous voyait planter pois-chiches, tomates, piments, melons, pastèques etc… mais comme on ne peut arrêter toute plantation durant cette période propice, ces jours sont comptés et ne s’étalent pas sur tout le mois…
Je n’irais pas jusqu’à essayer de convaincre nos fondés de pouvoir de reporter le scrutin, ils ne m'écouteraient pas car je n'ai pas droit à la parole, mais ce serait une bonne idée, même s’il est reporté aux calendes grecques…
En parlant de Grèce, c’est le 3 mai 1934 qu’une de ses figures chantantes est venue au monde en Egypte pour s’éteindre à 79 ans, toujours au mois de mai, en l’an 2013… Il s’agit de Moustaki et ça vous prouve qu’on peut naître en ce mois et être prolifique… et sympathique.
On peut y mourir aussi en ayant été prolifique et sympa-thique comme ce fut le cas de Dalida, italienne d’origine, née comme Moustaki en Egypte et qui décida un jour de mai, précisément le 3, en 1987, de mettre tragiquement fin à ses jours en laissant à ses fans un mot d’excuses : « La vie m'est insupportable. Pardonnez-moi »…
L’Egypte qui est liée intimement à Moustaki et Dalida a connu le 3 mai 1991 une de ses plus grandes catastrophes nationales avec l’effondrement d’une de ses pyramides…
C’est en effet ce jour là que la mort avait choisi pour emporter Mohamed Abdelwahab, Pharaon de la chanson arabe et icône irremplaçable d’Oum Eddounia …
Retour chez nous où nous allons célébrer dans quelques jours le 8 mai au lendemain de l’élection présidentielle française du 7 mai qui pourrait porter à la tête de ce pays Mme Le Pen dont le père fut un acteur reconnu de ce que ce pays de culture et d’esprit compte comme fange humaine faisant toute son ambiguïté…
Mai qui restera une pierre noire gravée dans l’histoire de ceux dont se revendique Madame Le Pen et qui, en 1808 et précisément le 3 mai commirent la plus terrible des ignominies en fusillant 400 prisonniers sans défense dans ce qui donnera un tableau de Goya aussi célèbre que le Guernica de Picasso: "Tres de Mayo"…
Ce crime contre l’humanité était prémédité puisque le chef des armées de France avait déclaré la veille : « « Le peuple de Madrid abusé s'est laissé entraîner à la révolte et au meurtre ; Du sang français a coulé. Il demande à être vengé».
Nous autres, nous n’avons pas d’artistes de la trempe de Goya ou Picasso, sinon nous aurions pu, nous aussi, immortaliser par un tableau que les générations futures retiendraient comme témoignage, un de nos drames, celui de l’assassinat de Mohamed Seddik Benyahia et de 14 de ses compagnons coupables de mener une mission de paix et dont l’avion fut abattu dans le ciel irakien sans que nous sachions, à ce jour ce qui s’était vrai-ment passé…
Il est 8h50… Je termine ma matinale alors que le soleil est déjà haut dans le ciel...
Le soleil auquel ce jour est consacré,
3/5/2017
