Cette brave dame qui "lézarde" au soleil d'un frileux printemps de 1957 n'est pas une de nos mères mais elle en a tout l'air...
Elle aurait pu s'appeler Aicha, Oumelkhir ou Tassaadit et être là à surveiller du couscous qui sèche ou à attendre que sa galette lève pour aller la faire cuire...
Sa photo m'a été envoyée par un soldat français qui a eu l'heureuse idée de l'immortaliser lors d'un passage par notre village...
Elle, c'est Madame Trident... une algérienne d'origine française...
C'était la postière du village et le mur auquel elle est adossée est celui de la poste... petit bureau de quelques mètres carrés, reconnaissable à son casque téléphonique collé au mur, à sa fente postale surmontée de son petit chapeau, à son guichet qui ne laissait voir que la tête du préposé et à ses casiers où étaient écrits les noms des villages environnants qu'elle desservait...
C'était une femme débonnaire qui, passait son temps entre son travail et son jardin et tous ceux qui en gardent souvenir ne la dissocient pas de son jardin et des roses qu'elle y entretenait...
Cette femme aurait pu, j'en suis sûr, rester au bled comme est resté le Pere Lucas de Palestro ou Mmes Madeleine de Bouira ou Merales de Ain Bessem... Elle n'avait rien à voir avec la guerre que livrait la France à l'Algérie pour préserver l'intérêt de colons qui , au lieu de se reconnaître Algériens à part entière ont préféré choisir, comme Camus, "leur mère" au lieu de leur pays... ou qui ont osé lever les armes contre leurs concitoyens comme Macias...
Elle a été contrainte de plier bagages pour rentrer en France en 1962... la poste a été reconstruite... la roseraie n'est plus... et le souvenir de Madame Trident s'estompe au fur et à mesure que partent les hommes qui ont vécu les exaltations, les incompréhensions, les espoirs et les déchirements de la guerre...
15/6/2016
