DIGRESSIONS INDIGENTES

 

DIGRESSIONS INDIGENTES

Il y'a quelque chose de très remarquable dans nos discussions...

C'est un peu comme durant le Ramadhan: vous parlez de la qualité du cahier "le Rolangraphe" d'antan et votre interlocuteur, poussé par je ne sais quelle pulsion, vous dira qu'il l'achetait de la papeterie du square qui est devenue avec le temps une pâtisserie d'où il achète aujourd'hui un kalbellouz comme on n'en fait pas ailleurs...

Vous parlez de la fermeture de l'APC par des citoyens et votre interlocuteur vous répondra que parmi les manifestants il a vu le boucher de la place qui exposait tout à l'heure un bouzellouf de taureau "ma cha'Allah"...

Vous parlez de prolifération de chats de gouttières et votre interlocuteur, l'esprit toujours tourné vers son ventre vide, vous dira en se pourléchant les lèvres que les chinois de l'autoroute les mangent en civets comme nous mangeons les lapins ...

.Vous parlez du Conseil des Ministres que Bouteflika tarde à réunir et toujours l'esprit tourné vers les besoins du ventre, votre interlocuteur vous parlera du buffet qui attend les ministres, buffet qui doit être mieux garni que celui de l'hôtel Hilton où il aurait un jour pris un couscous vraiment royal !

En dehors du Ramadhan notre fixation est plus socio-cultuelle que gastrique... Nous ramenons tout à la religion ou à l'identité, en faisant souvent s'opposer l'une à l'autre...

Ainsi, si vous parlez du Tsunami d'Indonésie, il y aura toujours quelqu'un dans votre auditoire qui vous dira que, Sobhane Allah, il aurait vu sur Internet que seules les mosquées ont été épargnées...

Et si vous évoquez la fausse psychose du poisson-lapin, un autre monsieur très au fait des affaires de religion vous conduira graduellement vers la baleine qui a avalé Jonas ou vers le principe du halal et du haram chez les poissons qu'on peut manger morts, c'est à dire sans besoin de les égorger au nom de Dieu...

Et si vous reprenez l'histoire du Rolangraphe que vous achetiez de la papeterie du kiosque, quelqu'un viendra vous dire que le vendeur de l'époque Allah Yerahmou doit subir les feux de l'enfer car il avait de quoi faire son pèlerinage mais ne l'avait pas accompli...

Ce texte vient de m'être inspiré par un texte de mon ami Aïssa qui parlait de ses grenades sauvées de l'éclatement malgré le manque d'eau, et de la polémique qui s'en est suivie par déviation subconsciente du sujet vers la religion musulmane et son rapport avec la grenade... déviation qui connut immédiatement une réaction réfutant la religion pour faire la part belle en la matière à "l'identité séculaire"...

Et si nous apprenions à dissocier tout de ces "constantes" dont nous tirons une fierté déplacée, n'étant ni artisans, ni même dignes porteurs de leurs principes?

14/10/2014