Petite lecture estivale (ou, si vous voulez, primo-automnale) pour nous changer de la politique qui a envahi ce pays depuis que n'importe qui fait n'importe quoi...
HISTOIRE D'ALGER
A l'une des dernières séances de la Société Historique Algérienne, M. l'interprète militaire Ballesteros voulut bien appeler l'attention de nos collaborateurs sur la dénomination de Mers-ed Debban (port aux mouches), donnée à la petite crique de la Pointe-Pescade.
D'après lui, plusieurs indigènes prononceraient Mers-ed-Deurban (port aux porcs-épics) et ce nom serait rendu vraisemblable par la quantité de dépouilles de ces animaux qu'on rencontre encore dans le voisinage, et• qu'on devait trouver en bien plus grande abondance à l'époque où ces lieux étaient presque déserts.
A la séance suivante, M. l'interprète militaire Meyer prit la parole à ce sujet, et présenta, en faveur de I ‘appellation jusqu'ici admise, les arguments que nous reproduisons un peu plus bas, et qui nous paraissent de nature à lever tous les doutes qu'on aurait pu concevoir.
Dans sa description de l'Afrique septentrionale (page 82 du texte arabe), Abou Obeid el Bekri cite entre autres ports ou criques: Mersa-ed Debban. Parmi les légendes, la plus curieuse est celle qui attribue la dénomination de cette crique aux fondateurs d’Alger; la voici:
« On raconte qu'à une époque très reculée, vingt hommes qui étaient venus en Afrique, à la suite d'Hercule le Lybien, abandonnèrent celui-ci, en passant dans le site charmant au milieu duquel trône la belle et pittoresque Alger, et résolurent de s'y installer et d'y construire une ville.
Il s'agissait de choisir un emplacement qui réunit toutes les conditions de salubrité, afin d'y mener une vie tranquille et douce: les uns voulaient s'établir sur les rives d'El-Harrach, d'autres à l'endroit même où se trouve Alger, quelques-uns à la Pointe-Pescade.
N'ayant pu s'entendre à ce sujet, ils finirent par convenir que la ville serait bâtie sur celui de ces trois points qui serait reconnu le plus salubre; à cet effet, les vingt compagnons égorgèrent un mouton, (d'aucuns disent trois) et placèrent un tiers de la victime à chacun des trois endroits litigieux.
Deux jours après, ils allèrent reconnaître I‘état de cette chair: à EI-Harrach, elle était dans un état de décomposition avancée et comme pourrie; à la Pointe-Pescade, elle avait été presque complètement dévorée par les mouches; enfin, celle qui avait été laissée à Alger était encore saine, ce qui les décida à bâtir sur ce point une ville, à laquelle ils donnèrent le nom d'Icosium (du mot grec « Eikosi » qui signifie vingt) ».
Quant à l'endroit où les mouches avaient dévoré la chair, il reçut le nom de Mers-ed-Debban.
Une deuxième légende dit que les vingt compagnons, ayant fait halte à la Pointe-Pescade dans l'intention de s'y établir, avaient été tellement tracassés par les mouches, qu'ils s'étaient enfuis en disant que c'était le "port des mouches", et avaient transporté leur camp sur l'emplacement qu'occupe Alger; que là, ils avaient trouvé le calme et le repos, et y avaient bâti leur ville.
La légende ajoute que les vingt compagnons s'étaient promis de régner en maîtres sur le pays, et que, pour atteindre ce but, ils s'étaient engagés à ne pas se marier afin de ne pas Introduire l'élément indigène au milieu d'eux.
Cependant, un des compagnons, trompant la surveillance des autres, fit connaissance d'une femme du pays et l'épousa secrètement, ce qui sauva les dix-neuf autres d'une mort certaine; car les habitants, las de leur despotisme, formèrent le complot de profiter de la quiétude dans laquelle vivaient ceux-ci pour les égorger tous pendant la nuit et s'emparer de la ville; la femme dévoila là conjuration à son mari, et celui-ci fut obligé d'avouer son mariage, en prévenant ses compagnons, qui se tinrent sur leurs gardes; de sorte que lorsque les habitants se présentèrent, ils trouvèrent les portes fermées et turent repoussés avec de grandes pertes.
Mais cette dernière partie dé la légende semble apocryphe, ou tout au moins hors de sa date : les recherches modernes permettent de la rapprocher de nous, et de la faire descendre des âges fabuleux à la première moitié du XVIe siècle.
Ce récit est, en effet, absolument semblable à celui que font les chroniques indigènes de la révolte des Baldis d'Alger contre Kheir-ed-Din, et les circonstances rendent cette date beaucoup plus probable que la précédente; car on sait que les fondateurs de l'Odjeac s'étaient interdit toute-alliance légitime avec les femmes du pays, et, d'un autre côté, que leur tyrannie pesait beaucoup plus lourdement sur Alger que ne put jamais le faire celle des vingt compagnons d'Hercule.
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