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vendredi 20 novembre 2020

LA RELEVE

 LA RELEVE



Un jour une grande société est venue s'installer chez nous pour effectuer de grands travaux...
Elle a ramené ses engins, ses baraques de chantier et ses hommes et a occupé à l’œil un terrain communal puis on a assisté à une noria de mastodontes déposant des grands tuyaux noirs partout où il était possible de les déposer...
Quelques jours plus tard des dizaines d'excavatrices ont commencé à creuser un grand fossé dans lequel des ouvriers se sont mis à poser les tuyaux sous la surveillance de contremaîtres en casquettes jaunes et lunettes de soleil...
Au début nos villageois ont été impressionnés et n'ont pas osé trop s'approcher puis petit à petit ils ont compris qu'il y avait peut-être un profit à tirer...
Un beau matin une bande de nos jeunes habituellement noctambules se posta face à la poste et à l'aide de gourdins, interdit l'accès aux usagers...
C'était un jeudi et tout le monde trouva que le mouvement de contestation était légitime même sans en connaître la raison car il donnait un alibi aux enseignants pour ne pas rejoindre les classes et pouvoir faire ainsi le marché de véhicules du village d'à côté et une bonne raison aux élèves d'aller ramasser les olives car c'était la saison...
Les gendarmes intervinrent pour constater puis s'en allèrent faire leur PV car depuis la démocratie ils avaient rangé leurs gourdins...
Vers 10h, après avoir fait sa grasse matinée, notre sous-préfet vint avec notre maire pour négocier l'ouverture de la route... l'élu et le représentant de l'Etat prirent connaissance des revendications des coupeurs de route: ces derniers voulaient du travail dans la grande société qui enterrait des grands tuyaux sous la supervision de contremaîtres en casquettes jaunes...
Les deux responsables trouvèrent que la revendication était légitime et chargèrent les jeunes d'établir une liste des demandeurs d'emploi qu'ils devaient déposer au service cartes grises de la daira qui était en attente de mise en service, afin que la société puisse étudier les possibilités de placement en fonction des compétences de chacun...
Quand il rentra en début de soirée, Bachir, cadre administratif qui était sorti avant la fermeture de la route, trouva un de ses beaux frères chez lui...
Il était exubérant et racontait à sa sœur l'événement du matin qui avait fait l'actualité du village...
Bachir regarda son beau frère avec sa casquette retournée et son jean tombant, qui montrait une grande partie de son slip rouge...
-" Ainsi tu veux travailler ! lui dit-il ...
- bien sûr répondit le jeune homme que ses amis avaient affublé du surnom de "djarboua" (la gerboise)... au moins pour me faire de quoi "flexy"...
- ce n'était pas la peine d'aller couper la route, je t'offre maintenant du travail et tu seras aux bons soins de ta sœur... tu vois le jardin ? Remue le et je t'offre 4000 DA ...
C'était un tout petit jardin potager de moins de 20m2...
- 4000 DA, ça ne m'arrange pas... faut un peu plus !
- Va pour 5000 !...
- Marché conclu... demain matin je suis occupé, et puis c'est le vendredi et je ne peux rater ma prière, samedi je fais le marché... dimanche tu trouveras ton terrain labouré... je peux avoir une avance ?
Bachir lui remit un billet de 1000 DA puis rejoignit ses amis à la place du village...
Le soir du dimanche Bachir trouva qu'El Djarboua avait effectivement entamé les travaux, mais sa femme l'informa qu'après 3/4 d'heure il était venu lui annoncer sa démission en lui faisant comprendre qu'il ne demanderait rien en contrepartie du travail qu'il avait accompli, qu'il jugeait payé par l'avance qu'il avait reçue...
Bachir m'a juré, en me racontant cette histoire, qu'El djarboua n'avait pas traité une surface supérieure au toit de sa quatrelle !...
On apprit par la suite que la liste des postulant à un emploi au sein de la grande société qui plaçait des grands tuyaux dans de profonds fossés sous la supervision de contremaîtres en casquettes jaunes contenait 27 noms...
Celui qui l'avait écrite sur deux pages d'un cahier d'écolier n'a pas eu besoin de transcrire en toutes lettres l'emploi désiré... de simples tirets sous l'emploi voulu par le premier inscrit montraient que les 27 coupeurs de route demandaient tous à être recrutés comme... gardiens de nuit !
20/11/2014

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