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mercredi 20 janvier 2021

DE LA PRESSE DE CONVICTION A LA PRESSE DE CANIVEAU

 DE LA PRESSE DE CONVICTION A LA PRESSE DE CANIVEAU

Il y avait le journal et le reste…



Le journal, avec le billet qu’il fallait lire entre les lignes, la météo qui annonçait rarement l’orage, les mots croisés où les définitions faisaient œuvre de pédagogie, les informations locales qui décrivaient ce qui se faisait, rarement ce qui se défaisait, l’information internationale d’une tatillonne diplomatie, l’information économique dans laquelle on traçait les courbes les plus optimistes et le reportage où il était plutôt question de « terroirisme » que de terrorisme…
Et puis les petites annonces où la demande d’emploi et l’offre immobilière était quasiment introuvables et puis aussi, le communiqué de police avec le mémorable « cet homme est un escroc »…
Il y avait aussi la page des lecteurs dans laquelle des citoyens aventureux osaient signer de leurs noms les constats d’ingérence (du verbe gérer) et d’ingestion (du verbe ingérer) mais sans trop personnaliser les faits…
Le journal était fort de présence… ce qui s’y écrivait avait son poids et personne n’était indifférent à l’information.
Le journaliste, malgré une indigence qu’il portait en bandoulière comme pour affirmer son incorruptibilité, était respecté un peu comme le cheikh de la mosquée avant qu’il ne s’islamise à coups de pilosité et de kamis, comme le khodja avant qu’il ne se corrompe et se syndicalise, comme l’instituteur avant qu’il ne découvre les primes et les grèves, comme le « fermli » avant qu’il ne se fonctionnarise et se plie au respect strict des horaires de travail…
Le journaliste faisait partie de ces hommes qui construisent une société en lui prodiguant l’optimisme, en développant l’espoir, en cultivant les valeurs humaines en chantant l’amour des gens, des choses et du pays…
Il ne pouvait se concevoir d’autres rôles, d’autres vocations, d’autres missions…
Et c’est avec un plaisir renouvelé que nous retrouvions chaque jour Boussaad Abdiche et son concentré de fausse naïveté qu’il nous servait en forme de billet serré ; comme un café matinal bienfaisant, que nous lisions les pages sportives dans lesquelles nous retrouvions les prouesses et les finesses de Lalmas, Serridi, Fréha ou Salhi Layachi, et non des réquisitoires haineux contre le dirigeant, l’entraîneur, l’arbitre, l’adversaire, le stade et le ballon; le journaliste sportif usant de sportivité et non de chauvinisme, de passion et de fougue éditoriale plutôt que de suffisance, d’arrogance et d’une technicité qui n’est pas sienne, qui n’a pas à être sienne, et sachant se faire rapporteur plutôt que gladiateur, spectateur plutôt que supporter…
Quoi qu’on dise aujourd’hui, ce furent des moments de grand professionnalisme durant lesquels fut créée une belle symbiose entre le journal et son lecteur, avec les pages d’Algérie Actualité qu’on lisait debout en boue, de bout en bout… et celles de RA dans lesquelles opéraient des plumes qui savaient amalgamer le verbe, l’argument, l’observation et le sentiment dans des écrits d’anthologie…
Qu’en est-il de tout cela aujourd’hui ?
A l’image du commerce qui s’est bazardisé sous prétexte de se libérer, de l’école qui s’est clochardisée en se donnant l’illusion de s’élitiser, de la foi qui a déserté l’âme en se fixant sur l’apparence, du sport qui s’est mercantilisé en croyant se professionnaliser, de la politique qui s’est crapularisée en croyant se démocratiser, de l’industrie qui s’est juste « banqualisée » en croyant s’être modernisée, le journalisme s’est mercenarisé en croyant s’être émancipé.
Et si hier le journaliste abusait de son obédience à la Patrie et à ses institutions aujourd’hui il ne conçoit sa grandeur et sa puissance qu’en s’inscrivant dans l’oppositionnisme systémique, préférant gagner les satisfécits de Menard plutôt que la reconnaissance du cœur du lectorat ou le sens du devoir accompli envers son pays, et croyant qu’informer c'est insulter, dénigrer, dénoncer, culpabiliser, dévaloriser, semer le doute et cultiver le désarroi et la désespérance et surtout, montrer qu’on échappe à toute tutelle algérienne quitte à se faire renégat car le patriotisme, pris en tenaille entre le mythe de la Oumma et le leurre de l’universalité ne fait plus recette.
A l’heure des grandes mutations que nous vivons, c’est à l’homme de l’information qu’incombe la responsabilité de canaliser les pulsions vers ce qui est profitable, esthétique et honorable ; il est, hélas, le premier à dériver allègrement et frénétiquement vers les récifs impardonnables de l’irresponsabilité, de l’assujettissement, de la laideur, de la cupidité et de l’immoralité…
12/2/2013

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