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mardi 9 février 2021

LE MYSTÈRE DE L'ATELIER N°12...

 LE MYSTÈRE DE L'ATELIER N°12...

Mon ami B*** est un jeune retraité comme il s’en trouve en ce pays.
Il était cadre dans une entreprise publique aujourd’hui en perdition en attendant d’être vendue à un de ces canassons d’industrie qui ont fait fortune grâce à la fraude en tous genres: administrative, immobilière, douanière, fiscale etc. pour qu’elle soit désarticulée et que le terrain d’assiette soit cédé à des maquignons des affaires qui stockent l’argent en billets de 200 Da dans leurs caves comme on stockerait des bottes de foin, d’où l état de ces billets...
Mon ami B*** avait un amour de jeunesse: la terre. Il a renoué avec elle dans un deal très simple: il la travaille, elle le récompense.
L'union dure depuis 3 ans et les contractants ne semblent pas rencontrer d’anicroches.
B*** a refusé de faire comme ses collègues. Certains d’entre eux ont élu domicile au café qui fait face à la poste et jouent aux dominos ou s’assoient sur les chaises métalliques, mentons sur le dossier et regardent passer les voitures; d’autres se sont réglés sur les appels aux prières. Ils font provision de pêchés après une prière en médisant de leurs semblables puis rejoignent la mosquée à la prochaine prière pour effacer ces pêchés et reprendre à zéro...
Mon ami B*** est descendu à la ville le mardi passé. Le mardi est jour de marché à la ville. C est vrai que mon ami B*** n’aime pas la ville, mais il aime bien le marché où il peut trouver les outils, les produits divers et les plants et semences pour son jardin...
Et quand il marche entre les étals du souk, mon ami B*** ne lève jamais la tête; vous devinez que c’est pour éviter de se faire interpeller par un de ses anciens collègues car il sait qu’ ils ont soif de parlote et qu’ il risque de perdre tout son temps à écouter des histoires de boulot qu’il connaît par cœur pour les avoir vécues ou à force de les avoir entendues…
Alors qu'il négociait le prix des semences de petits pois, accroupi devant les sacs de jute à lèvres retournées, deux mains rugueuses vinrent lui fermer les yeux. C est ainsi que chez nous on fait la surprise à quelqu'un qu'on n'a pas vu depuis trop longtemps.
B*** essaya de deviner qui se trouvait au bout des deux bras mais c'était chose difficile car il connaissait au moins une trentaine de ses amis qui aimaient s'annoncer de cette manière. Il regretta de ne pas avoir mis ses lunettes pour s’éviter ce geste qui lui déplaisait fort, surtout depuis qu’un de ses amis lui avait blessé le haut du nez avec un bague rugueuse qu'il portait.
Il essaya un nom: Moussa El Mahboul... Sa tête fut secouée énergiquement de droite à gauche... Un autre: Salem la Sieste (celui là portait ce surnom pour son habitude de ne jamais rater sa ronflante méridienne au bureau)... Encore obligé de faire non de sa tête... Il allait dire Hamid el Fellous mais il pensa que les mains qui lui cernaient la tête à hauteur des yeux ne pouvaient être celles de Hamid qui étaient trop petites...
Il osa: Rabah el Qarnit et vit s'ouvrir les mains, tournant la tête, il se retrouva face à la tête de lune de Rabah qui arborait un sourire immense. Ils s'embrassèrent en se tapant sur les épaules, puis Rabah prit B*** par la main et ils se dirigèrent vers le café...
Ils se firent servir des Ben Haroun fraîches et s'échangèrent quelques souvenirs du bon vieux temps, quand l'usine tournait à plein régime, que les salaires étaient virés à échéance fixe et que les travailleurs. avaient droit à deux sachets de lait qui étaient sensés les protéger contre les affections pulmonaires que pouvaient leur causer les gaz et poudres des produits qu'ils mélangeaient... des sachets de lait qu'ils prenaient comme de bien entendu à leurs enfants...
Au détour de la discussion B*** qui s'était souvenu du jour de la venue de Tayeb Bellakhdar, le SG de l'UGTA, rappela à son ami Amar El Gountass qui intervint devant l'illustre visiteur et les pontes de l'autorité locale, en commençant son discours," bismi el hizb, bismi el ittihad el 3am, bismi el intadj wel intadjia" et qui continua sur sa lancée par "bismi el hilf el atlassi" parce que ça sonnait si bien... Mais B*** fut surpris par le rire figé sous un air triste comme un lendemain de défaite de l'EN qui s'était dessiné sur le visage d'El Qarnit...
El Gountass... Allah yerahmou !...
B*** faillit s'étrangler en avalant de travers une gorgée de Ben Haroun... -Kifech ? El Gountass mat ? Je l'ai rencontré ici même et on a pris un Ben Haroun ensemble le mardi passé ! C’est impossible ! Heblett hadh el mout walla !...
El Qarnit, l'air grave lui répondit que le malheureux avait succombé en deux jours, le dimanche à une maladie foudroyante... il n'est pas le premier des retraités à avoir tire sa révérence... depuis 5 a 6 ans ils sont 50 sur 200 à être partis et très souvent entre 60 et 70 ans...
Bacha ne se contrôlant plus: "et personne ne s'est inquiété devant cette hécatombe ?"... "chkoun yendebb 3la des retraités..." répondit avec lassitude El Qarnit... Je peux même te dire que sur ces décès on compte 20 à 25 du seul atelier Nomro Thnach (N°12)...
Je ne vais pas raconter le reste de la discussion. C'est à ce niveau que la narration que m’en a faite B*** s'est arrêtée...
Je l’ai exhorté à voir les medias afin qu'ils parlent de ce triste phénomène de disparitions prématurées de travailleurs ayant tous opéré dans la même usine pour découvrir l'éventuel lien de cause à effet entre les produits manipulés et les morts constatées.
Je suis certain que ce lien existe et qu'une étude approfondie de tous les cas permettra d'identifier le produit tueur et d'imposer sa substitution par un autre produit, ou du moins par la sensibilisation sur le risque qu'il fait courir à ceux qui le manipulent peut être sans EPI adéquats...
Cela ne fera pas revivre les morts mais cela permettra d'empêcher que les actuels travailleurs ne soient minés dans leur santé comme leurs aînés.
Et si par bonheur on découvre que les morts étaient fortuites, cela permettra au moins de désangoisser les retraités survivants...
Si j’ai raconté cette histoire en usant de ce style de narration, c'est pour dénoncer la désinvolture avec laquelle nous passons devant des situations éminemment éloquentes mais dont nous n’entendons et ne lisons aucun des signes qu'elles nous lancent pour nous alerter.
Cela va des pathologies cancéreuses qui ravagent certaines régions précises aux maladies mentales qui touchent certaines localités ou groupes sociaux... Ça va de l incinération à ciel ouvert des décharges publiques et de son rapport avec les pathologies pulmonaires... Ça va de la recrudescence vertigineuse des myopies, du diabète de l enfant, de l hypertension précoce à l usage sauvage et inconsidéré de l'antibiothérapie...
Ça va du rapport du lait impropre qu’on nous fourgue au cancer du sein qui fait des ravages...
je vous laisse faire l’inventaire interminable de certains effets dont une bonne gouvernance se sentirait obligée d’étudier le rapport avec certaines causes pour échapper au crime de non assistance à peuple en danger.
Non assistance à peuple en danger de la part aussi de ces associations politiques, syndicales, scientifiques, caritatives, religieuses, corporatistes, sociales etc. qui ne savent qu’ ouvrir leurs g… pour exiger des strapontins, demander des avantages ou engloutir des subventions.
J’ose réaffirmer pour ma part que si on se mobilisait pour ces petites causes ignorées ou occultées qui font insidieusement de grands ravages, le pays et le peuple gagneraient bien plus que ce qu'ils tirent de ces grosses mobilisations médiatiques pour des grandes causes dont la finalité est toujours bien plus politique qu’humanitaire...
Khlasset el hikaya et que mes ami(e)s qui voient grand et qui ont découvert que le gaz de schiste est plus catastrophique que l'attaque de la couche d’ozone par les CFC considèrent que ma goult walou...
10/2/2015

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