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vendredi 4 décembre 2020

MERE COURAGE

 Nous sommes en 1961... c'est la guerre mais la vie continue...

Ma mère aussi, comme toutes les mères, était potière... mais elle ne pétrissait pas la terre pour vendre ses poteries... elle le faisait une ou deux fois l'an pour remplacer les objets cassés ou pour en ajouter à ce qu'elle possédait...
Les femmes de ce temps là n'avaient ni télés ni feuilletons à suivre... ni boutiques ni shopping à faire...
Entre le ramassage des épis de blé, l'arrachage des épis d'orge, la traite et l'entretien de la vache, le ramassage des olives, la cueillette des figues, les travaux de jardinage, le couscous à rouler, la maison et la cour à balayer, le linge à laver etc elles n'avaient que peu de temps libre et quand ça arrivait, il y'avait les poules à nourrir, les têtes à épouiller et les longs cheveux à coiffer...
La poterie était une activité à part...
Il fallait lui consacrer le temps qu'elle exigeait... Ramener d'abord l'argile des endroits convenus et qui n'étaient pas toujours proches... Elles y allaient en groupe... ça permet l'entraide et l'épreuve devient moins pénible quand elle est partagée... Creuser la terre, remplir le panier, le caler sur la tête et rentrer...
C'est ensuite la préparation de l'argile... il fallait aussi concasser d'anciennes poteries cassées pour avoir la chamotte (teffoun) à incorporer à l'argile qui doit mûrir avant de se prêter au façonnage...



Et quand arrive cette phase, c'est avec une grande concentration qu'elles donnaient à la glaise la forme et les rondeurs que devaient prendre les tadjine, djefna, bidouh, kh'bouta, bouguel, tabriya, gas3a, nafakh, guedoura, borma, keskes, chmoukh... parce qu'il ne faut pas se tromper... les potières ont un protocole à suivre, elles ne créent pas de nouvelles formes... elles s'en tiennent aux formes conventionnelles établies depuis la nuit des temps...



Les poteries seront ensuite mises à sécher avant d'être cuite dans la grande mah'ma en plein air réalisée en grosses galettes de bouses de vaches qu'on aura pris soin de coller aux murs des maisons pour les faire sécher...
Je ne sais pas à quoi pouvaient bien penser ces femmes concentrées sur leur travail mais je présume que c'était pour elles un des rares moments d'évasion où elles pouvaient voyager loin de leur misère, de leurs privations, de leurs incertitudes... mais je doute fort qu'elles allaient jusqu'à rêver d'une amélioration de leur condition tant celle-ci devait leur apparaître comme une fatalité.
4/12/2017

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