VOCATION COMPROMISE

 LA KASMA SE REBIFFE

J'aime les livres... Leurs formes, leurs couleurs, leur odeur...

J'ai toujours aimé les livres. Je me souviens qu'à 13 - 14 ans, quand ma mère me donnait les 2 ou 2.5 Da pour mon aller retour à l'internat, petit pécule qu'elle avait glané de la vente du petit lait, j'en prélevais 50cts pour m’acheter un Fantômas de chez le marchand de vieux livres qui faisait face à la vespasienne de la rue Benabdellah...

Plus tard, à 14-15 ans, je m'achetais déjà des livres de poche, Gareshi, Paul Guth, Christiane Rochefort, Sagan...

Un jour, n'ayant rien à lire, j'ai trouvé un gros volume en livre de poche d'Aristophane... Théâtre complet Tome 2 chez M. Seguini, libraire à la rue principale de Bouira.

Je l'ai acheté... C'était en 1968... Je l'ai toujours. J'y ai découvert Lysistrata, l'Assemblée des femmes et surtout "Plutus".

Dans cette pièce de théâtre, Aristophane met en scène le Dieu Argent, aveugle et qui distribue la fortune sans savoir à qui il la donne... Un monsieur ayant été conseillé par sa voyante décide de le soigner afin qu'il sache choisir ceux qui méritent ses bonnes grâces.

J'ai essayé de mettre en scène cette pièce.

Le responsable de la Kasma FLN nous a cédé la salle de réunion des militants. Il venait assister aux répétitions.

Après la 3e séance il nous refusa les clés.

J'appris 20 ans plus tard le motif : La scène montre un noble monsieur suivant un aveugle et une discussion s'engage entre le monsieur et son serviteur qui lui dit: "habituellement c'est le bon voyant qui guide le non-voyant et toi tu suis cet aveugle !".

Le responsable de la kasma avait compris que nous faisions de la grosse subversion en mettant symboliquement en scène un pouvoir atteint de cécité que suivait un peuple clairvoyant...

J'avoue que personne dans la troupe de fortune et moi en premier n'avait cette idée en tête...

Mon expérience théâtrale s'arrêta là mais j'ai souvent relu Plutus avec, subconsciemment l'interprétation du coordinateur de la Kasma...

14/2/2015