PSITTACISME

 PSITTACISME

Hier à 17H, j'ai traversé la ville d'ouest en est, à pieds s'il vous plait !

Je devais récupérer ma voiture confiée aux bons soins d'un tôlier sévissant à l'entrée Est...

Ce n'est pas pour vous parler des tôliers et de leurs méfaits ni de la marche à pied et de ses bienfaits que j'ouvre ma matinale sur cette histoire... Non... C'est pour vous parler d'un phénomène de société...

J'ai pris l'habitude en marchant, de regarder le bout de mes semelles; d'abord pour savoir où je mets les pieds, ensuite pour ne pas obliger ceux qui seraient gênés de me rencontrer à le faire en leur montrant que je les ai bien vus...

Mais il y'a des amis comme ça qui, en dépit de votre tête baissée, viennent quand même à vous et vous administrent une grosse tape sur l'épaule pour vous embrasser et vous dire qu'ils sont heureux de vous revoir en vous reprochant de ne pas vous manifester...

Le premier de ces amis m'a abordé de son véhicule... Il a baissé la vitre et m'a invité à monter puis il est descendu en garant mal sa voiture et nous voilà partis pour une discussion comme il s'en passe d'habitude entre amis qui ne se partagent que l'amitié:

- Qu'est ce que tu deviens ?

- Je suis toujours ce que j'étais... et toi ?

- Moi j'ai arrêté de bosser...

- Et comment tu passes ton temps ?

- Essentiellement dans la lecture du Livre Saint...

- Que veux tu y découvrir encore ?

- J'essaie de comprendre...

- Comprendre quoi ?

- Ce que je n'ai pas compris...

- Et tu penses y arriver ?

- "Celui qui s'efforce et trouve a deux mérites, celui qui s'efforce et ne trouve pas a le mérite de l'effort"...

C'était dit en arabe châtié... le hadith est connu.

- Pour un effort, c'en est un !...

La discussion ne pouvant aller plus loin, nous prîmes congé l'un de l'autre en nous promettant de la continuer à une autre occasion...

Quelques pas plus loin, j'ai vu une sorte de face de lune souriante... Je pensais qu'elle souriait à la personne qui me suivait... Je jetais un regard derrière moi mais il n'y'avait personne... je me résolus à comprendre que c'était à moi qu'était destiné le franc sourire... je pus décoincer mon zygomatique pour le lui rendre...

Je reconnus un ami du lycée, ingénieur de son état, retraité depuis quelques années...

- Wach rak ?

- Rani !

- Toujours la casquette et la barbe...

- Comme tu vois...

- Moi je préfère rester imberbe...

- Ca te va !

- Mais je te conseille d'enlever la moustache et de laisser la barbe... tu vois, nous sommes égaux dans le pêché... moi j'ai failli à l'obligation de porter la barbe et toi à celle d'ôter les moustaches...

J'avais compris que mon ami, s'était lui aussi laissé prendre à ce gigantesque délire collectif qui a frappé ce pays et qui impose un regard bigot sur tout ce qui se fait, se dit, se porte, se mange ou... se pense !...

Du coup, j'ai regretté de ne pas avoir pris un taxi...

Mais, réflexion faite, je crois que même en taxi, je n'aurais pas échappé aux sermons et aux fatwas...

Allah yestor !

(Voilà que je m'y mets moi aussi)...

2/3/2016